Les épiceries sociales et solidaires de l’Union nationale des Groupements des Épiceries Sociales et Solidaires (UGESS) et leurs collectifs territoriaux s’engagent contre la précarité alimentaire en proposant des dispositifs respectueux de la dignité des personnes. Au sein de nos épiceries, les publics peuvent choisir librement leurs produits selon les habitudes et cultures alimentaires et à un tarif adapté selon la situation du foyer (calculé principalement sur le reste-à-vivre, c’est-à-dire ce qu’il reste au foyer une fois avoir réglé toutes les dépenses incompressibles). En parallèle, il est proposé aux personnes un accompagnement, qui peut être collectif via des ateliers cuisine par exemple, ou individuel.
Au sein de l’UGESS, deux modèles principaux d’épiceries se côtoient : les épiceries sociales représentant environ 60 % des membres, dont les achats de produits sont réservés aux personnes en situation de précarité et les épiceries solidaires (40 %), ouvertes à tous avec des prix différenciés entre public précaire et public solidaire. Ces épiceries peuvent être portées par des collectivités (CCAS), des associations voire des sociétés coopératives. Cette diversité de modèle est une réelle chance et un des fondements de l’UGESS.
Nos épiceries font de gros efforts pour proposer des produits de qualité en s’orientant notamment vers un approvisionnement en circuit-court auprès des producteurs avec un créneau : chacun a le droit à une alimentation de qualité, saine et produite dans de bonnes conditions sociales et écologiques.
Chaque année, l’UGESS sonde ses adhérents à travers l’envoi d’un questionnaire en ligne afin de mieux cerner leur situation. Cette année, plus de 50 % des épiceries membres ont contribué à cette enquête.
Nos actions se trouvent aujourd’hui face un triple défi : celui de la hausse des publics accueillis, celui de l’inflation et donc de la hausse des prix d’achat, dans un contexte où les soutiens financiers de l’Etat stagnent.
Une fréquentation en hausse et un nouveau visage de la précarité
53 % des épiceries constatent une hausse des publics accueillis (de l’ordre de 20 %) avec notamment l’apparition d’un public retraité, étudiant et de travailleurs précaires qui, face à la hausse de coûts de l’énergie et de l’alimentation, voient leur situation basculer. Soulignons en parallèle la surreprésentation bien connue désormais d’un public mineur de moins de 15 ans (30 % des publics des épiceries pour 17 % de la population) qui confirme que cette population est bien plus vulnérable face à la précarité.
C’est dans ce contexte de hausse des publics que 15 % de nos épiceries ont dû refuser d’accueillir de nouvelles personnes.
Alors que le nombre de personnes faisant appel à l’aide alimentaire est passé de 2,2 M de personnes en 2009 à 5,6 M en 2020, la crise du COVID puis plus récemment la crise inflationniste qui affectent notamment les produits de première nécessité et l’énergie, a élargi encore un peu plus le spectre des personnes qui basculent dans la précarité.
Ce constat doit nous faire réfléchir à l’action jusqu’ici menée pour lutter contre la précarité alimentaire : elle répond certes à l’urgence, mais elle ne permet pas de réduire durablement la précarité. Il devient urgent d’agir non plus uniquement à des réponses palliatives mais bien à des politiques préventives de lutte contre la pauvreté.
Alors que l’INSEE établit le seuil de pauvreté à 1100 € par mois (soit 60 % du revenu médian), les minimas sociaux ne permettent absolument pas de mener une vie décente. Il devient urgent de réfléchir à une refonte de ces derniers ou a minima à leur augmentation.
Une tendance à la baisse des dons qui se confirme et nécessite une diversification des approvisionnements
Alors que l’adoption de la loi Garot en 2016 a entrainé une hausse des dons de la grande distribution, cette part de l’approvisionnement pour les épiceries est aujourd’hui en baisse pour 76 % des épiceries, notamment sur les produits de première nécessité.
Plusieurs raisons à cela :
– L’apparition de start-ups engagées dans la lutte anti gaspillage ont permis de réduire les quantités de produits gaspillés (notamment via une meilleure gestion des stocks).
– La mise en place de politiques commerciales par la grande distribution sur les produits anti gaspillages (rayon antigaspi à 20% par exemple.
Cette optimisation a aussi pour effet de réduire en partie la qualité de l’approvisionnement (avec des produits dont les dates limites de consommation sont trop courtes et donc directement jetés en arrivant dans les structures).
La baisse des dons et leur caractère aléatoire rend la mission des structures engagées dans la lutte contre la précarité alimentaire plus compliquée. Pour cela, l’UGESS défend une hausse du Crédit Nationale des Epiceries Sociales (CNES) qui permet de proposer aux épiceries une enveloppe d’achat et donc de mieux réfléchir ses approvisionnements. Ainsi, le caractère fluctuant des dons serait minimisé par une politique d’achat en direct.
Notons que cette enveloppe n’a pas augmenté entre 2022 et 2023 alors que l’inflation sur les produits alimentaires atteint plus de 10 % et que le nombre d’épiceries sociales et solidaires a augmenté ces dernières années.
Cette hausse du CNES est d’autant plus importante dans la mesure où l’Etat promeut un meilleur approvisionnement des structures, notamment en se rapprochant des circuits alimentaires territoriaux. Cette ambition est louable, mais elle a un prix : 47 % des épiceries ont des difficultés pour se fournir en produits de qualité, la principale raison étant le coût élevé des produits.
Pourtant, ce sont bien les populations les plus précaires qui souffrent de problèmes de santé liés à l’alimentation : les 10% des Français les plus pauvres développent ainsi 2,8 fois plus souvent un diabète que les 10% les plus aisés. L’obésité touche bien plus des Français.e.s se situant dans le décile de revenu le plus bas. L’étude réalisée à l’initiative de la Ligue contre l’obésité et coordonnée par des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Montpellier vient renforcer ce constat[1].
Proposer des produits de meilleure qualité, non transformés, ni trop gras, salé ou sucré est donc un enjeu de santé public et fait partie de toute une gamme d’interventions portant sur le mode de vie (activité physique, sommeil…) permettant la prise en charge de ces pathologies. Cela ne doit pas interdire la proposition de produits « plaisir », notion très importante dans l’alimentation, mais il est nécessaire de rééquilibrer le panier nutritionnel des personnes en leur proposant notamment, plus de fruits et légumes frais.
Une inflation aux multiples impacts
L’inflation touche de plein fouet le secteur de l’alimentation : que ce soit sur le coût du carburant pour la logistique, le coût de l’énergie pour le stockage en chambre froide, et donc sur le prix d’achat des produits. Les épiceries condensent toutes ces difficultés et plus de 50 % d’entre elles ont une inquiétude particulière concernant le budget 2023. D’ailleurs, 20 % déclarent avoir des problèmes de trésorerie.
L’inflation rend particulièrement difficile l’approvisionnement en certains produits jusqu’ici plutôt accessibles : huiles, féculents ou produits laitiers.
En conclusion, les évolutions de notre société et des pratiques de la grande distribution transforment considérablement les actions des acteurs engagés dans la lutte contre la précarité alimentaire. L’Etat n’apporte pas pour le moment une réponse à la hauteur de la situation, bien que, dans les discours à tous le moins, il est pris en considération la nécessaire transformation des politiques d’aide alimentaire. La création d’un fonds pluriannuel de 60 M € est un premier élément d’engagement qui, s’il n’est pas accompagné d’autres mesures, n’aura une efficacité que toute relative.
Contact presse : Maxime FRITZEN – chargé de plaidoyer – maxime.fritzen@ugess.org – 06 14 28 33 55
[1] Fontbonne A, Currie A, Tounian P, Picot M-C, Foulatier O, Nedelcu M, Nocca D. Prevalence of Overweight and Obesity in France: The 2020 Obepi-Roche Study by the “Ligue Contre l’Obésité”. Journal of Clinical Medicine. 2023; 12(3):925.