Notre plaidoyer
Défendre l'accès pour tous à une alimentation choisie, respectant la dignité de chacun
Depuis les années 80, les politiques d’aide alimentaire n’ont été développées que sous le prisme de l’urgence et en réponse à la grande précarité. En effet, les actions pour lutter contre la précarité alimentaire se sont principalement orientées vers la distribution de colis alimentaires, ne permettant pas aux personnes en situation de précarité de choisir leur alimentation, ne prenant pas en compte leurs habitudes alimentaires, ignorant l’équilibre nutritionnel et renforçant la perception dégradée de leur place dans la société. Cette action, bien que nécessaire, n’a malheureusement pas permis d’endiguer la demande des personnes en aide alimentaire.
Nos constats
1. La politique d’aide alimentaire ne permet pas d’endiguer la précarité alimentaire. 21 % des Français estiment rencontrer des difficultés pour se procurer une alimentation saine leur permettant d’assurer trois repas par jour[1] .
5,5 M
De personnes on fait appel à des structures d’aides alimentaires en 2018, selon la DGCS. Contre 2,2 M en 2009 [2] .
2. Les dispositifs actuels stigmatisent les personnes les plus précaires. La moitié des personnes pouvant recourir à l’aide alimentaire décide de la refuser, la raison principale étant la honte [3] .
71%
Des recourants bénéficient de colis alimentaires déjà préparés et ne peuvent donc pas choisir des produits en lien avec la notion de plaisir et les habitudes alimentaires.
3. Les produits distribués sont de qualité insuffisante. Plus de 40 % des denrées de l’aide alimentaire proviennent des dons de la grande distribution, dont la qualité et la quantité tendent à se réduire ce qui rend difficilement atteignable l’équilibre nutritionnel.
29%
C’est la part des personnes obèses parmi les personnes ayant recours à l’aide alimentaire en 2012, contre 17% à l’échelle nationale [4] .
4. Il existe un manque de coordination avec les autres politiques en lien avec la précarité. Pourtant, les personnes plus précaires cumulent les fragilités : logement, isolement, santé.
80%
Des personnes en insuffisance alimentaire quantitative cumule avec une autre fragilité[5] .
5. La délégation de l’Etat Providence aux associations génèrent divers problèmes tels que l’absence sur certains territoires d’une offre alimentaire adéquate, ou la difficulté à faire évoluer des dispositifs qui tiennent grâce au bénévolat.
Dépasser l'aide alimentaire pour s'orienter vers un accès pour tous à une alimentation choisie et dans la dignité
Promouvoir fortement les dispositifs œuvrant à la dignité des personnes tels que les épiceries sociales et solidaires :
- En soutenant les expérimentations d’épiceries en mixité de public qui appliquent des tarifs différenciés et contribuent à réduire la stigmatisation.
- En donnant plus de visibilité aux structures qui s’engagent dans ces nouvelles formes de solidarité via des soutiens pérennes notamment en ingénierie.
-
En favorisant l’émergence de dispositifs de démocratie alimentaire afin que les personnes en situation de précarité, que nous avons dépossédées jusqu’au choix des produits, puissent se réapproprier ces enjeux en coopérant avec toutes celles et ceux qui participent de près ou de loin à notre alimentation.
Défendre l’inscription dans la loi et les différentes stratégies nationales (Programme national pour l’alimentation, Programme national nutrition santé, Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat …) d’un droit à une alimentation choisie : l’alimentation a un rôle culturel majeur dans notre société. Elle participe de la construction de notre identité propre et de nos relations sociales. Enlever aux personnes cette capacité à choisir son alimentation vient renforcer l’atteinte à leur dignité déjà mise à mal par la situation de précarité qu’elles peuvent subir ;
Promouvoir l’accès à une alimentation durable : les actions de lutte contre la précarité alimentaire doivent participer au développement des systèmes alimentaires territoriaux via l’octroi aux structures de moyens adéquats (en fonction du nombre de personnes soutenus) dédiés à un approvisionnement à prix juste auprès des agriculteurs et paysans locaux. Ces filières doivent peu à peu remplacer les filières d’approvisionnement liées aux dons de la grande distribution, dont le caractère aléatoire en qualité et quantité rend compliqué le travail logistique des bénévoles et la fourniture d’un panier équilibré. Pour les épiceries sociales et solidaires, cela peut notamment passer par une augmentation du Crédit National des Épiceries Sociales et Solidaires ou une réorientation des crédits issus de la défiscalisation de certains produits ;
Renforcer l'ancrage territorial et la coopération
- En favorisant des Plans Alimentaires Territoriaux systémiques prenant en compte les enjeux de justice sociale, environnementale et de santé publique.
-
En favorisant l’émergence de collectifs/groupements d’épiceries sociales et solidaires afin de partager les problématiques et mutualiser les solutions (qu’elles soient liées à l’approvisionnement, la logistique, la formation…)
- En soutenant des expérimentations permettant la coopération au sein d’un même territoire entre différents acteurs engagés dans la lutte contre la précarité (logement, santé, alimentation…).
- En réalisant un travail de sensibilisation auprès des différentes collectivités (métropoles, CCAS, département, région) et services déconcentrés (DDETS, DRETS, DRAAF…)
[1] Rapport d’information n° 34 (2018-2019) de MM. Arnaud BAZIN et Éric BOCQUET, fait au nom de la commission des finances, Aide alimentaire : un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver, déposé le 10 octobre 2018
[2] Franck Le Morvan, Thomas Wanecq, Rapport IGAS n°2019-069R Lutte contre la précarité alimentaire, évolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé publique, 2019
[3] Insee, enquête Aide alimentaire 2021. https://www.insee.fr/fr/statistiques/6466177#onglet-2
[4] Fontbonne A, Currie A, Tounian P, Picot M-C, Foulatier O, Nedelcu M, Nocca D. Prevalence of Overweight and Obesity in France: The 2020 Obepi-Roche Study by the “Ligue Contre l’Obésité”. Journal of Clinical Medicine. 2023; 12(3):925. https://doi.org/10.3390/jcm1203092
[5] CRÉDOC, enquêtes Conditions de vie et aspirations des Français, 2022
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