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Pour une SNANC qui prenne en compte les enjeux d’accès à une alimentation choisie, saine et durable pour toutes et tous

    Alors que les discussions sur la SNANC avancent lentement, l’inflation continue de galoper, et les produits alimentaires de peser toujours plus lourd dans le budget des ménages modestes. Le cri d’alarme lancé par les Restos du Coeur en est une illustration de plus. Si nous nous réjouissons de l’élan de solidarité qu’il a suscité, nous considérons toutefois que, de la part des responsables politiques, cet élan fait fausse route. Le projet de notre pays ne peut pas être de permettre aux associations de servir toujours plus de repas aux personnes qui souffrent de la faim. L’ambition de notre pays devrait être, au contraire, d’éviter à chacune et chacun l’humiliation d’avoir à quémander pour se nourrir. Ce que demandent les personnes en précarité, c’est un accès digne, librement choisi, à une alimentation saine et de qualité.

    Cela passe d’abord par un relèvement des très bas revenus, car la précarité alimentaire est très fortement liée à des revenus insuffisants. Une dimension complètement absente du Pacte des Solidarités sorti il y a seulement quelques semaines.

    La future SNANC doit aussi faire sa part pour lutter contre la précarité alimentaire. Elle doit notamment donner un cadre clair permettant de dépasser l’aide alimentaire actuelle pour aller vers une politique de lutte contre la précarité alimentaire qui prenne en compte les enjeux de durabilité, de souveraineté alimentaire, de santé publique et d’accès dans la dignité à l’alimentation. Une ambition posée par le Comité de Coordination de Lutte contre la Précarité Alimentaire (COCOLUPA). La future SNANC doit aussi renforcer la coordination de ces différentes politiques publiques afin d’agir de manière préventive contre la précarité alimentaire. Cette ambition est plus globalement portée par un collectif de plus de 100 associations dans une lettre ouverte adressée à Matignon qui appelle à une SNANC à la hauteur des enjeux écologiques, sociaux et de santé publique.

    Une précarité alimentaire en hausse et aux impacts multiples

    7 M de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020[1]. Plus globalement, 8 M de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire. Celle-ci est très souvent associée à d’autres fragilités (addictions, renoncement aux soins, exclusion, logement insalubre…). Les personnes en situation de précarité sont les premières victimes de maladies chroniques liées à l’alimentation : la part des personnes obèses parmi les personnes ayant recours à l’aide alimentaire atteignait 29 % en 2012, pour une moyenne nationale d’environ 17%[2]. De même, le Haut Conseil pour la Santé Publique souligne les fortes disparités de consommation de fruits et légumes entre les personnes recourant à l’aide alimentaire et la population française en général. Celle-ci devient alors un marqueur social et impacte les plus précaires. Aux problématiques physiques s’ajoutent les problématiques de non recours à l’aide alimentaire : une personne sur deux pouvant recourir à l’aide alimentaire y renoncerait, en grande partie par honte.

    La SNANC doit agir sur les environnements alimentaires

    Il est nécessaire de changer de paradigme sur les politiques liées à l’alimentation. De nombreuses études ont montré que l’approche par la responsabilité individuelle, le principe du “consom’acteur”, était insuffisante voire contre-productive. L’approche via une action sur l’environnement alimentaire, qu’il soit physique, économique, socio-culturel ou cognitif, doit être aujourd’hui prioritaire.

    Nos principales recommandations

    1. L’augmentation des capacités financières des ménages, en particulier en situation de précarité.

    2. Faire croître le volet local et mieux orienter l’action du fonds “Mieux Manger pour Tous” pour sortir de la logique distributive comme moyen de lutte contre la précarité alimentaire et aller vers des dispositifs d’accès à une alimentation choisie.

    Le nombre important de réponses (malgré un temps réduit) au volet local du fonds Mieux Manger pour Tous prouve que le tissu associatif et les collectivités locales sont prêts à faire émerger de nouvelles solidarités alimentaires. Il s’agit donc de soutenir ce dynamisme par une hausse et une meilleure orientation des crédits accordés au volet local du fonds Mieux Manger Pour Tous.

    Cet engagement fait écho aux recommandations du HCSP qui défend le soutien d’initiatives proposant des tarifs différenciés telles que les épiceries sociales et solidaires, les groupements d’achats, les paniers solidaires ou les transferts monétaires. Cela intègre aussi le soutien aux expérimentations de transferts monétaires ou de caisses communes de l’alimentation telles que développées à Montpellier dans le cadre de Territoire à VivreS ou à Cadenet dans le Vaucluse. Ces dispositifs doivent être reconnus par leur capacité à être un levier aux politiques de souveraineté alimentaire et de sensibilisation des citoyens aux enjeux liés à notre alimentation.

    3. Faire de la restauration collective un levier plus franc d’une offre alimentaire durable plus accessible

    Nous accueillons positivement les différentes annonces liées à la cantines scolaire dans le Pacte des Solidarités – notamment  la prolongation du dispositif des cantines à 1 euro pour les petites communes rurales ou le renforcement du soutien de l’Etat de 3€ à 4€ par repas tarifé à moins d’1€ pour toutes les cantines qui s’engagent pour respecter les objectifs fixés par la loi EGALIM ou encore l’extension du soutien de l’État aux collèges de REP/REP+ pour mettre en place la tarification sociale. Tout cela répond à de réels besoins des communes.

    Rappelons néanmoins que la cible de 200 000 enfants touchés reste insuffisante quand, en 2018, l’Insee recensait encore 831 000 enfants pauvres âgés de 6 à 10 ans en France (soit 20% de cette classe d’âge). Aussi, nous restons vigilants sur la mise à disposition des moyens nécessaires de la part de l’Etat pour soutenir les départements, ainsi que sur la cible et le calendrier de mise en œuvre de ces diverses mesures.

    Pour finir, nous sommes toujours convaincus que la généralisation de la tarification sociale depuis le primaire jusqu’au supérieur permettrait d’améliorer les niveaux de fréquentation pour les familles plus défavorisées. Pour ce faire, nous sommes toujours en attente d’un premier rapport d’état des lieux des dispositifs d’accès financiers à la cantine en France.

    4. S’assurer de la disponibilité d’une offre alimentaire de qualité pour tous et toutes dans tous les territoires et notamment les Outremers, les quartiers prioritaires et les zones rurales.

    Nous avons bien noté le déploiement des petits-déjeuners à l’école en Outre-Mer et leur renforcement dans les territoires les plus fragiles de l’hexagone annoncé dans le Pacte des solidarités, et cela nous paraît aller dans le bon sens. Reste néanmoins à préciser le nombre d’enfants qui seront touchés par cette mesure.

    De plus, il s’agit aujourd’hui d’agir davantage contre la précarité alimentaire dans ces territoires en luttant contre les déserts alimentaires[3] par la mise en place de dispositifs permettant un accès à une alimentation de qualité pour tous, en mobilisant les dispositifs de revitalisation (Cœur de Villes, soutien à l’installation de commerces en zone rurale, …). Pour ce faire, nous soutenons notamment l’implantation d’épiceries sociales et solidaires, de groupements d’achat ou de maisons de l’alimentation durable ouvertes à tous avec des tarifs adaptés selon les moyens. Ces lieux sont de véritables espaces de vie où sont proposées des animations autour de l’alimentation avec des pratiques « d’allers vers » en partant des besoins des habitants.

    5. Encadrer le taux de marge appliqué par la grande distribution sur les produits issus de l’agriculture biologique afin de les rendre plus accessibles tout en veillant à garantir une meilleure rémunération aux agriculteurs et assurer une meilleure transparence sur les prix de l’alimentation.

    6. Réguler la publicité pour les produits les plus mal notés par le NutriScore et l’affichage environnemental à la télévision et radio à heure de grande écoute, avec une attention particulière pour le jeune public.

    7. Donner les moyens au PAT pour en faire des outils de construction de territoires résilients et inclusifs.

    L’annonce d’un soutien au volet social des Projets alimentaires territoriaux dans le Pacte des Solidarités est un bon signe. Toutefois, nous nous interrogeons sur le montant du budget qui sera alloué pour ce faire, qui n’a pas encore été précisé. Pour rappel, notre préconisation s’élève à un budget minimal de 4 millions d’euros sur 24 mois, soit 2 millions d’euros par an, pour aller ensuite vers la pérennisation de cette enveloppe. Nous reprenons aussi l’idée d’une contractualisation avec l’Etat faisant évoluer les PAT en contrats alimentaires territoriaux répondant aux objectifs de la SNANC et adoptant une vision systémique de l’alimentation (en prenant en compte les enjeux de santé publique, justice sociale, d’environnement ou de démocratie). Ces derniers devront se baser sur un diagnostic territorial réalisé de manière inclusive.

    8. Faire vivre la SNANC par un dispositif citoyen inclusif et proposer un délégué interministériel chargé de son suivi.

    Contacts

    Action Contre la Faim Hélène QUEAU, Directrice Pays – Mission France – 06 60 76 45 58 – coordo@fr-actioncontrelafaim.org

    Réseau CIVAM Clément COULET, Coordinateur national Accès à l’alimentation – 06 28 38 06 18 –clement.coulet@civam.org

    Secours Catholique – Caritas France Astrid AULANIER, Chargée de plaidoyer Accès digne à l’alimentation durable – 07 64 10 67 36  – astrid.aulanier@secours-catholique.org

    Union nationale des Groupements des Épiceries Sociales et Solidaires (UGESS) Maxime FRITZEN, Co-directeur en charge du plaidoyer – 06 14 28 33 55 – maxime.fritzen@ugess.org

    VRAC France Elsa DUPARAY, Chargée de communication et relations publiques – 06 30 12 58 71 – elsa@vrac-asso.org

    [1] Chiffres Direction Générale de la Cohésion Sociale

    [2] Fontbonne A, Currie A, Tounian P, Picot M-C, Foulatier O, Nedelcu M, Nocca D. Prevalence of Overweight and Obesity in France: The 2020 Obepi-Roche Study by the “Ligue Contre l’Obésité”. Journal of Clinical Medicine. 2023; 12(3):925. 

    [3] Les déserts alimentaires désignent des espaces présentant une très faible accessibilité physique et économique des habitants à une offre alimentaire considérée “saine”. Les bourbiers alimentaires font référence à des quartiers dans lesquels une offre alimentaire « saine » existe mais est noyée au milieu de l’offre d’aliments et de boissons à forte densité calorifique. (Simon Vonthron. Offre commerciale alimentaire et pratiques spatiales d’approvisionnement des ménages :Construire un géographie des paysages alimentaires. Géographie, Université Paul Valéry – Montpellier III, 2021

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